Lettre ouverte des finalistes du Prix LUX
« Il faut parler de nos films, mais aussi de notre rémunération pour ce que nous créons »
Nous sommes des scénaristes et réalisateurs européens, finalistes du Prix LUX du Parlement européen depuis 2007. Depuis 11 ans, le Prix LUX aide à promouvoir des films qui sont au cœur du débat public européen en les sous-titrant dans les 24 langues officielles de l’Union européenne. Grâce au Parlement européen, nous avons vécu une expérience incroyable : accompagner nos films, rencontrer et débattre avec le public partout en Europe.
Nous croyons dans le pouvoir du cinéma. C’est un art qui exprime tant de choses. Nous sommes des personnes passionnées qui parlent rarement des difficultés qu’elles rencontrent et préfèrent se concentrer sur la chance incroyable que nous avons de faire les films que nous voulons. Aujourd’hui, nous devons cependant prendre la parole, non seulement pour parler de nos films, mais aussi de notre rémunération pour ce que nous créons.
En Europe, malheureusement, beaucoup d’entre nous sont seulement rémunérés lors de la phase de production et n’obtiennent pas de rémunération supplémentaire lorsque leurs œuvres sont diffusées au cinéma, à la télévision et en ligne. Il y a des disparités importantes en fonction des pays et un manque général de considération pour la situation financière des auteurs derrière ces œuvres.
Aujourd’hui, il est possible de résoudre ce problème. Le Parlement européen a proposé d’introduire un principe de rémunération juste et proportionnelle pour les auteurs et artistes-interprètes dans la directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique. Cette disposition exigerait des Etats membres qu’ils veillent à ce que les auteurs et artistes-interprètes reçoivent une rémunération proportionnelle pour l’exploitation de leurs œuvres, y compris en ligne. Cette proposition laisse aux Etats membres le soin de décider des mécanismes à mettre en place pour atteindre cet objectif, dans le respect de leurs traditions juridiques et de négociations collectives. Cette mesure inscrit dans le droit européen un principe fondamental pour les auteurs partout en Europe : les créateurs doivent être liés à la vie de leurs œuvres, moralement et économiquement. C’est l’essence même de nos droits d’auteur.
Dans une Union européenne qui encourage la circulation et la visibilité des œuvres cinématographiques et audiovisuelles, il semble évident de garantir aux auteurs de ces œuvres qu’ils bénéficient financièrement de leur exploitation. Le Parlement européen l’a compris. Il est maintenant temps pour les Etats membres et la Commission européenne d’intégrer cette nouvelle disposition dans le compromis final de la directive, afin que cette directive remplisse ses objectifs pour les auteurs.
C’est un enjeu fondamental pour le futur de la création européenne.
Les signataires
Benedikt Erlingsson, Woman at War (2018)
Wolfgang Fischer, Styx (2018)
Mila Turajlić, The Other Side of Everything (2018)
Valeska Grisebach, Western (2017)
Peter Valchanov and Kristina Grozeva, The Lesson (2015)
Rok Biček, Class Enemy (2014)
Céline Sciamma, Girlhood (2014)
Felix Van Groeningen, The Broken Circle Breakdown (2013)
Miguel Gomes, Tabu (2012)
Andrea Segre, Shun Li and the Poet (2012)
Olivier Masset-Depasse, Illégal (2010)
Filippos Tsitos, Akadimia Platonos (2010)
Philippe Lioret, Welcome (2009)
Jean-Pierre and Luc Dardenne, Lorna’s Silence (2008)
Miroslav Janek, Citizen Havel (2008)
Kornél Mundruczó, Delta (2008)
Cristian Mungiu, 4 Months, 3 Weeks and 2 Days (2007)
Kamen Kalev, Eastern Plays (2004)